Le problème :

L’audisme est présent à tous les paliers de la société et du gouvernement sous la forme de préjugés, de discrimination ou de comportements discriminatoires directs, indirects ou systémiques à l’égard des personnes Sourdes.

Notre position :

L’audisme est inacceptable au même titre que le sexisme, le racisme, l’âgisme et d’autres formes de discrimination.

De nombreux Sourds canadiens font l’expérience de préjugés et discrimination fondés sur leur différence de la majorité non-Sourde. L’ignorance et l’inattention sont les causes principales de cette discrimination. Elle est souvent institutionnelle, systémique ou attitudinale. Aucune forme de discrimination n’est acceptable.

L’audisme se manifeste sous deux aspects généraux. L’un est la présomption ou la croyance qu’il faut encourager (ou même forcer) les personnes qui sont sourdes à être autant que possible comme les non-Sourds. L’autre est le fait de s’octroyer le contrôle des personnes Sourdes, de leur retirer le pouvoir, en prenant des décisions au sujet de leur(s) langue(s), de leur éducation, des services qu’il leur faut, et ainsi de suite ; et ce, avec apport limité ou inexistant des personnes S/sourdes et la communauté Sourdes.

La supposition selon laquelle les personnes S/sourdes doivent être comme les non-Sourds implique une répudiation de langue des signes et de la culture Sourde, la fixation sur l’idée de « surmonter » l’obstacle de la surdité, la promotion évangélisatrice de « l’audition » et de la parole, et une attitude pathologique relative à la surdité. Il y a également la croyance implicite qu’une personne qui ne peut pas entendre est, par le fait même, inférieure à celles qui peuvent entendre.

Le deuxième aspect de l’audisme — c’est-à-dire, s’octroyer le contrôle des personnes Sourdes — a été résumé par Harlan Lane dans une simple phrase : « Les personnes entendantes exercent un contrôle énorme sur la vie des personnes Sourdes. » Par exemple, ce sont des non-Sourds qui prennent des décisions sur le choix de langue, des options éducatives, de la prestation de services, de l’emploi et sur d’autres éléments de la vie quotidienne d’une personne sourde. Des non-Sourds qui travaillent aux chaînes télévisées, au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), et dans des compagnies de production créative décident si les personnes S/sourdes auront accès à la télévision, aux films et la programmation (DVD, Blu-ray, la diffusion en continu, etc.) en fournissant le sous-titrage, l’interprétation, et/ou d’autres moyens d’accessibilité. Ce sont des non-Sourds qui autorisent les codes de construction, les normes architecturales et les règlements de sécurité qui régissent les décisions de fournir, ou non, des alarmes visuelles, et des édifices accessibles aux personnes Sourdes. Les personnes Sourdes n’ont pas le même pouvoir de prendre ou d’influencer des décisions qui affectent leur propre vie que les personnes non-Sourdes.

Il faut souligner que des personnes S/sourdes, devenues sourdes, ou malentendantes pourraient aussi manifester des tendances audistes. Elles auraient pu intérioriser les suppositions audistes dont elles sont bombardées tous les jours. Des personnes qui ont été traitées d’inférieur à cause de leur surdité pourraient trouver que le seul moyen d’être bien dans leur peau est de s’en prendre à d’autres personnes S/sourdes en les opprimant ou en les dénigrant.

Il y a encore des obstacles en ce qui concerne les attentes et le comportement des employeurs, des éducateurs et des fournisseurs de services. Le fait est que la surdité n’est pas une maladie, un trouble, ou une déficience de la santé ; ce n’est pas non plus une menace à la santé ou à la sécurité d’autrui.

Les employés Sourds ont généralement de meilleurs dossiers de ponctualité et d’assiduité au travail que leurs collègues non-Sourds. Leurs dossiers de sécurité au travail ne sont pas pires que ceux des employés non-Sourds, surtout si de simples précautions ou accommodements sont mis en place. Par exemple, des alarmes visuelles servent à tout le monde, pas seulement aux personnes Sourdes, et représentent rarement, sinon jamais, un important coût irrécupérable. Pourtant, de nombreux employeurs continuent à supposer que la sécurité au travail serait compromise par des employés Sourds, ou que la surdité mène à l’absentéisme et au manque de ponctualité, et que les accommodements coûtent trop cher.

Le Canada ne manque pas de services et ou de programmes éducatifs pour les Sourds. Cependant, ces programmes et organismes sont dominés par des non-Sourds, et certains d’entre eux imposent leurs comportements et leurs attentes de non-Sourds à leurs clients et collègues Sourds. La sincérité ou les « bonnes intentions » des fournisseurs de service et éducateurs non-Sourds ne sont pas remises en question : ils sont nombreux à avoir travaillé avec des personnes Sourdes sur la base de respect réciproque et de collaboration. L’enjeu fondamental est de savoir pourquoi les services aux Sourds ne sont pas fournis par – contrôlés par – des personnes Sourdes et des organismes des Sourds.

De nombreux non-Sourds voyant la pauvreté de l’aptitude à écrire de certaines personnes Sourdes supposent qu’elles sont illettrées ou inintelligentes à cause de leur surdité. La réalité est que, pour bien des personnes Sourdes, le langage écrit et parlé est une seconde langue, et qu’elles n’ont peut-être pas été suffisamment bien formées en leur première langue qui est visuelle. Les préjugés et la discrimination contre les langues visuelles comme l’ASL et le LSQ — une des formes les plus claires d’audisme — ont des effets profonds sur l’acquisition du langage, y compris l’alphabétisation.

On nous dit souvent que « les Sourds doivent apprendre l’anglais ou le français (mais pas la langue des signes) parce que lorsqu’ils seront adultes, ils devront fonctionner dans la société entendante et il leur faudra connaître ces langues pour trouver un emploi, être heureux et mener une vie bien remplie et utile. » Selon ce raisonnement, les personnes aveugles devraient apprendre à voir puisque lorsqu’elles seront grandes, elles devront fonctionner dans la société « voyante ». Les utilisateurs de fauteuil roulant devront apprendre à marcher parce qu’ils grandiront dans une société de marcheurs. Les personnes handicapées par un retard de développement devront apprendre à être « intelligentes » puisqu’elles devront vivre dans une société qui n’a pas leur handicap. Et les filles devront se changer en homme parce qu’elles les remplaceront dans la société patriarcale !

Si la langue des signes est si mauvaise qu’elle ne doit pas être enseignée aux Sourds, pourquoi est-ce que les mêmes écoles qui refusent de l’enseigner aux Sourds n’hésitent pas à le faire à des adolescents et adultes non-Sourds ? Pourquoi des professionnels de la santé et des éducateurs de la petite enfance font-ils campagne contre l’enseignement de la langue des signes aux enfants sourds, et font la promotion enthousiaste de ce même enseignement aux enfants non-Sourds parce qu’on a prouvé que cela accélère le développement du cerveau et surmonte d’autres troubles de la communication comme l’autisme ? Pourquoi est-ce que les défenseurs du bilinguisme (français-anglais) font vigoureusement la promotion de l’apprentissage de la langue seconde par des bébés non-Sourds pendant que les institutions audistes font vigoureusement la promotion de l’enseignement exclusif d’une langue non signée aux bébés Sourds ? La réponse à toutes ces questions est simple : l’audisme.

L’Association des Sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf fait appel à tous les paliers de gouvernement, aux organismes de service, aux programmes d’éducation des Sourds, aux professionnels qui œuvrent pour la communauté Sourde, aux médias, et aux organismes des Sourds partout au Canada afin qu’ils collaborent pour éliminer l’audisme par le biais de l’éducation, la formation et le développement de politiques visant l’élimination des croyances diffamatoires, des suppositions erronées, et des stéréotypes déshumanisants sur les personnes Sourdes.

Lecture recommandée : « Audism: A theory and practice of audiocentric privilege. » par Richard Clark Eckert and Amy June Rowley. Humanity & Society, 2013, 37(2), 101-130, doi: http://dx.doi.org/10.1177/0160597613481731

APPROUVÉ : 3 JUILLET 2015

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