Le Problème :

Il est difficile de rassembler des statistiques sur les Sourds canadiens et les organismes ne semblent pas pouvoir s’entendre les uns avec les autres concernant les nombres impliqués.

Notre position :

L’Association des Sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf se sert de la formule conventionnelle de « un sur dix » pour l’estimation des statistiques, avec de fortes réserves. Cette formule permet de conclure qu’il existe 357 000 Canadiens culturellement Sourds et 3,21 millions de Canadiens malentendants.

C’est l’opinion de L’Association des Sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf qu’aucun recensement entièrement crédible des Sourds, des devenus sourds et malentendants n’a été effectué au Canada.

Un rapport, fruit d’un sondage officiel, l’Enquête sur la santé et les limitations d’activités (ESLA), de 1991, mentionne qu’un Canadien sur 25 (1:25) a une « audition déficiente », soit un total de 1 022 220 personnes. Une enquête ultérieure a signalé un ratio de 1 sur 15, pour un total de 2 000 000 de personnes. Une troisième enquête a fourni deux ratios : 1 sur 8 (3 875 000 personnes) et 1 sur 22 (1 408 090 personnes). Qui a raison ? Comment évaluer la crédibilité des statistiques sur les Canadiens Sourds ?

Le recensement et l’enquête EPLA (Enquête sur la participation et les limitations d’activités, qui a remplacé l’ESLA) ne sont pas conçus en ayant les personnes Sourdes à l’esprit. L’utilisation de questions écrites disposées comme des examens scolaires est intimidante et source de confusion pour les personnes Sourdes dont la langue première est visuelle et gestuelle. Le recensement est disponible en anglais ou en français, mais ni en langue des signes ni en format vidéo, deux méthodes qui le rendraient accessible et confortable pour les personnes Sourdes.

Statistique Canada, qui gère les données du recensement, prétend utiliser un langage clair dans ses formulaires. Il peut être clair pour quelqu’un qui maîtrise l’anglais ou le français, mais pas pour quelqu’un pour qui ce sont des langues secondes. Considérons cette question à tiroirs extraite de l’EPLA de 2001 : « Votre état de santé physique ou mental ou un problème de santé diminue-t-il la quantité ou le genre d’activités que vous pouvez effectuer dans d’autres activités, par exemple le transport ou la détente ? » La perte de l’audition peut-elle être qualifiée de « problème de santé physique » ? Quelles sont les « activités » couvertes par « le transport ou la détente » ? Qu’entend-on par « diminution » de la « quantité » d’« activités » pouvant être effectuées ? Jouer au tennis à cinquante ans constitue une « diminution » de la « quantité » d’activités par rapport à jouer au tennis à 25 ans – on ne peut se déplacer aussi rapidement ou frapper la balle avec autant de force que voilà un quart de siècle. Cela signifie-t-il que la personne de 50 ans est « handicapée » ?

Les questions conçues pour identifier les personnes présentant des handicaps ont tendance à disqualifier les personnes Sourdes. Par exemple, demander si nous avons « de la difficulté à entendre » provoque souvent la réponse : « Non, nous n’entendons tout simple pas ! » Et demander si nous avons « de la difficulté à communiquer avec les autres suscite la réponse : “Non, mes amis Sourds et moi n’avons aucun problème à communiquer, car nous utilisons tous la langue des signes !” Ces réponses peuvent être vraies, mais leur résultat est que des personnes Sourdes sont classées en tant qu’“entendantes” et ainsi éliminées des statistiques sur la surdité. La terminologie utilisée dans ces questions sape donc leur intention.

Les questions conçues pour chiffrer le nombre de dispositifs techniques en usage au Canada, comme les vidéophones, ne s’adressent qu’aux personnes Sourdes. Cela donne lieu à des rapports imprécis. Une famille dont les parents entendants ont acheté des dispositifs pour leurs enfants Sourds pourrait ne pas être incluse dans l’enquête. Les amis des Sourds, tels que les interprètes, pourraient avoir de tels dispositifs dans leur domicile pour accommoder les besoins de leurs amis et/ou de leurs clients, mais, encore une fois, ces personnes non-Sourdes ne seraient pas incluses dans l’enquête.

Le recensement de 1996 a donné des statistiques sur les Canadiens prétendant “connaître” la langue des signes. Même Statistique Canada a souligné que ces données n’ont rien à voir avec le nombre de Sourds au Canada et qu’elles ne font aucune distinction entre une personne non-Sourde ayant suivi un cours pour épeler avec les doigts et une personne Sourde dont la langue maternelle depuis la naissance est la langue des signes. Malheureusement, toute statistique publiée par Statistique Canada porte le sceau de l’autorité et tout le monde la croit exacte.

Les tentatives des enquêtes pour faire la distinction entre personnes sourdes, les personnes devenues sourdes et malentendantes utilisent comme mesure la capacité ou l’incapacité d’entendre dans le contexte d’une “conversation avec une personne” ou d’une “conversation en groupe”, ce qui rend tout l’exercice totalement futile pour les trois groupes. En fait, cette mesure ferait des Sourds les personnes les “plus entendantes” parce que leurs conversations (avec une personne ou en groupe) se font en général en langue des signes avec d’autres personnes Sourdes et que la communication est donc sans interférence !

L’Association des Sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf croit que l’une des causes de la difficulté avec les statistiques est que le recensement canadien et l’ESLA/EPLA n’ont inclus que ces personnes qui se sont auto-identifiées comme ayant une “déficience” auditive qui “nécessitait une forme d’attention” (sous forme de prothèses auditives, par exemple). Ces critères éliminent en fait une grande partie de la population s/Sourde et malentendante qui, pour une raison ou une autre, refuse de s’identifier comme telle ; ils éliminent ceux qui, tel que les culturellement Sourds, ne se considèrent pas comme handicapés par l’absence de l’audition ; et ils éliminent ceux, Sourds et malentendants, qui ne recherchent pas d’“attention” médicale ou technologique pour leur perte d’audition.

Nos préoccupations sont importantes, pas seulement parce que les statistiques du recensement sont citées par tous comme si elles étaient irréprochablement exactes, mais aussi parce que ces statistiques sont utilisées par les gouvernements et les chercheurs pour les aider à élaborer les politiques sur la sécurité sociale, l’impôt, l’éducation et les soins de santé, entre autres domaines. Des entreprises se sont servies de ces statistiques dans des audiences portant sur les droits de la personne pour de défendre contre des allégations de discrimination dans leurs services destinés aux personnes Sourdes, c.-à-d. que la collectivité Sourde est “trop petite” et qu’offrir l’égalité d’accès n’est par conséquent pas rentable pour elles au point de constituer un “préjudice injustifié”.

En 2008, l’ASC-CAD a déposé une plainte pour atteinte aux droits de l’homme contre Statistique Canada sur l’ensemble de ces questions. Une résolution a été atteinte en 2009 qui aurait permis une plus grande précision dans les statistiques sur la surdité, ainsi qu’un meilleur accès à l’information du ministère. Malheureusement, avant que l’accord puisse être pleinement mis en œuvre, le gouvernement fédéral a éliminé la “forme longue” du Recensement du Canada et l’EPLA, mettant fin à tout espoir d’obtenir des statistiques relativement précises sur le handicap au Canada.

Alors, quelles statistiques L’ASC-CAD cite-t-elle lorsqu’on lui demande combien de personnes Sourdes vivent au Canada ? Nous continuons de suivre le modèle standard de comparaison entre le Canada et les États-Unis, un modèle qui présume que les chiffres canadiens représenteraient une dixième des chiffres américains (compte tenu du fait que la population du Canada est un dixième de celle des États-Unis). À cette aune, le Canada compterait en l’an 2015 environ 3,57 millions de personnes présentant une perte de l’audition à un degré ou un autre et un dixième d’entre elles, ou environ 357 00, seraient culturellement et linguistiquement Sourdes.

Avec de fortes mises en garde quant à la fiabilité et à l’exactitude de n’importe quelles données, L’Association des Sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf considère qu’il y a approximativement 357 000 Canadiens profondément Sourds et devenus sourds et probablement 3.21 millions de Canadiens malentendants.

APPROUVÉ : 3 JUILLET 2015

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