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L’Ontario recommande la fermeture école pour sourds. L’ASC-CAD répond NON!

lundi 27 février 2012

Le lundi 27 février 2012

L’honorable Dalton McGuinty L’honorable Dwight Duncan
Premier ministre Ministre des Finances
Édifice de l’Assemblée législative 7, Queen’s Park Crescent, 7e étage
Queen’s Park Toronto (Ontario)
Toronto (Ontario) M7A 1A1

OBJET : RAPPORT DRUMMOND

Monsieur le Premier ministre,

Monsieur le Ministre, Au nom de l’ASC-CAD, j’écris la présente lettre ouverte au sujet des recommandations de M. Drummond entre autres, la suggestion de réformer les écoles provinciales. Des sourds de l’Ontario ont exprimé des inquiétudes liées aux écoles pour les sourds en Ontario.

Fondée en 1940, l’Association des sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf (ASC-CAD) est l’organisme national d’information, de recherche et d’interventions communautaires des sourds au Canada. Nous servons à faire connaître les droits, les besoins et les préoccupations de ceux qui sont sourds sur les plans linguistique et culturel et en assurons la protection.

La décision du Rapport Drummond qui a été présentée au gouvernement de l’Ontario viole clairement la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées que le Canada a ratifiée en mars 2010, laquelle lie par conséquent légalement et moralement le gouvernement de l’Ontario. Cette position est en harmonie avec ladite Convention, qui demande de « reconnaître et de promouvoir l’utilisation des langages gestuels » (article 21, paragraphe e); de « faciliter l’apprentissage du langue des signes et de promouvoir l’identité linguistique de la communauté des sourds » (article 24, alinéa 3b), de « voir à ce que l’éducation soit offerte à l’aide des langues, modes et moyens de communication les plus pertinents, dans des contextes qui maximisent le développement scolaire et social, et ce, à ceux qui, en particulier des enfants, sont aveugles, sourds ou sourds et aveugles. » (article 24, alinéa 3c). Ce dernier article vise les écoles pour les sourds.

Pour la plupart des enfants et élèves sourds, cela signifie que les contextes du langue des signes et les programmes d’études de quatre écoles, Belleville, London, Milton et Ottawa (école française pour les sourds – LSQ) sont leur meilleure occasion de parvenir à l’excellence scolaire et sociale. Toute la recherche objective prouve de façon concluante les avantages de l’enseignement du langue des signes; si ce n’était pas vrai, pourquoi des milliers de parents inscriraient-ils leurs enfants qui entendent à des cours de « langue des signes pour les bébés »? La recherche prouve également que les écoles pour les sourds sont les meilleurs endroits pour enseigner le langue des signes. Les élèves sourds qui parviennent tôt à des résultats élevés en ASL/LSQ ont également des notes élevées en français/anglais.

Nous, de la communauté des sourds, voyons constamment les résultats à long terme de la campagne contre le langue des signes et les écoles pour les sourds : des adultes qui ont une éducation médiocre et sont incapables de se qualifier pour les établissements postsecondaires; des chômeurs; des personnes souffrant de problèmes de maladie mentale et de toxicomanie qui sont directement reliés à leur manque de véritables compétences en langue des signes. Et tous accueillent la force libératrice du langue des signes qui leur a été refusée à un âge où elle aurait été le plus bénéfique pour toute leur vie. Les coûts à long terme de l’élimination à court terme du budget consacré à des méthodes et à des contextes adéquats d’enseignement des sourds sont astronomiques. Êtes-vous prêts à économiser quelques dollars en éducation, puis à dépenser ensuite des millions sur la pauvreté, le chômage, les programmes sociaux et de santé à cause de telles réductions budgétaires?

La gamme complète des programmes offerts dans les écoles pour les sourds doit être entièrement financée afin que les enfants sourds obtiennent leur éducation et le langue des signes qui leur donneront la possibilité de devenir des citoyens à part entière, de terminer leurs études (l’accès à une éducation supérieure), puis de trouver un emploi (l’accès à la participation à la main-d’oeuvre).

Nous savons que des organismes pour les sourds en Ontario, notamment la Société canadienne de l’ouïe (SCO), ont par le passé fourni une longue liste de recommandations destinées à améliorer l’efficacité et les niveaux de rendement scolaire des écoles pour les sourds. Le gouvernement de l’Ontario n’a jamais répondu à ces recommandations, ne les a pas mises en oeuvre. Ne devriez-vous pas tenter d’améliorer l’éducation des sourds par ces moyens au lieu de baisser les bras et de capituler face aux enfants sourds, en fermant leurs écoles?

Nous remarquons que les chiffres de M. Drummond sont extrêmement simplistes : « Fermer deux écoles = économie de 72 millions de dollars. » Ce raisonnement est absurde et économiquement fallacieux. Il ne tient pas compte des coûts pour offrir des services de soutien qualifiés aux élèves sourds qui seront forcés de quitter les écoles pour les sourds et de s’inscrire aux écoles locales. Il semble aussi ignorer le fait que l’Ontario n’a jamais été capable de combler tous les postes vacants pour les services de soutien qualifiés; alors comment pourriez-vous combler les 800 postes vacants additionnels? M. Drummond ne prend pas en considération le fait que, comme nous le signalions plus haut, la plupart des élèves sourds du courant dominant aboutiront dans des programmes de bien-être, avec des difficultés psychologiques et linguistiques à long terme; en revanche, les élèves sourds jouissant du soutien du ASL/LSQ obtenu dans les écoles pour les sourds auront plus de chances de poursuivre des études postsecondaires, d’occuper un emploi productif et d’être socialement intégrés.

Le directeur exécutif de l’ASC-CAD lui-même vit à Ottawa et est le père d’un fils muet inscrit à l’école de Belleville. Son fils doit faire à peu de frais par autocar la navette entre Belleville et Ottawa, afin d’être dans son foyer pendant les week-ends. Si l’école de Belleville est fermée, le fils sera envoyé à Milton. Ensuite quoi? Le déplacement en autocar deviendra alors un voyage de deux jours entiers, ce qui le privera d’une journée complète d’école et d’une journée entière de vie à domicile à chaque semaine. Vous pourriez peut-être aussi, pour les 800 élèves en internat, noliser des avions en provenance et à destination de Milton à chaque week-end? Comment pourriez-vous alors faire des économies? Peut-être garderiez-vous plutôt en internat les élèves pendant les week-ends, dépensant ainsi toutes les économies découlant de la fermeture de Belleville, et ce, aux fins de la supervision 24/7 des pensionnaires, des services de la cafétéria, de la bibliothèque et du gymnase, etc. à Milton? En quoi est-ce économique?

Une grande cause des inefficacités financières dans le système d’éducation des sourds est que les sourds eux-mêmes n’y assument pas les responsabilités. Au lieu de fermer des écoles, une option d’une efficacité supérieure et moins coûteuse est de confier l’éducation des sourds à des professionnels sourds et qualifiés. L’ASC-CAD recommande de créer une société indépendante où au moins 80 p. 100 du personnel et des administrateurs seraient sourds, et qui relèverait du ministre de l’Éducation, afin de gérer chaque aspect de l’éducation des élèves sourds et malentendants de cette province. Vous n’auriez pas d’hommes qui dirigent un programme pour les femmes; vous n’auriez pas de Blancs qui dirigent un programme ethnique; vous n’auriez pas d’ignorants qui dirigent le ministère de l’Éducation; alors pourquoi sont-ce des entendants qui dirigent le programme d’éducation des sourds? Pourquoi imaginez-vous que les entendants sont les experts de la surdité, au lieu des sourds eux-mêmes?

Nous incitons le gouvernement de l’Ontario à rejeter les recommandations spécifiques du Rapport Drummond et à appuyer la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies. L’Association des Sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf est prête à vous rencontrer ainsi que le ministre de l’Éducation afin de discuter de ces points très importants.

Veuillez communiquer avec nous afin qu’il y ait une rencontre avant que vous preniez des décisions finales sur l’avenir de l’éducation des sourds en Ontario.
Merci de l’attention que vous porterez à cette lettre.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Ministre, l’expression de ma considération respectueuse.

Doug Momotiuk
Président de l’ASC-CAD

c.c. : Ban Ki-moon, secrétaire général, Nations Unies
Colin Allen, président, Fédération mondiale des sourds
Le très honorable Stephen Harper, Premier ministre du Canada
L’honorable John Baird, ministre des Affaires étrangères
Yasir Naqvi, secrétaire parlementaire du ministre des Finances, député d’Ottawa-Centre
L’honorable Laurel Broten, ministre de l’Éducation, Ontario
Don Drummond, président, Commission de la réforme des services publics de l’Ontario
Tim Hudak, chef du Parti progressiste-conservateur et de l’Opposition, Ontario
Andrea Horwath, chef du Nouveau Parti démocratique, Ontario
Andrew Parkin, Ph.D., directeur général, Conseil des ministres de l’Éducation (Canada)
Frank Folino, vice-président, Association des Sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf
Jim Roots, directeur exécutif, Association des Sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf
Chris Kenopic, président et chef de la direction, Société canadienne de l’ouïe
Christie Reaume, présidente, Association Visual Sign Language of Canada
Michael McGuire, présidente, Association ontarienne des Sourd(e)s francophones
Jackie Plant, présidente, Association des sourds de l’Ontario
Dean Walker, directeur exécutif, Association des sourds de l’Ontario