Le problème :

Quelle est la meilleure approche et quel est le meilleur milieu pour l’éducation des enfants qui sont sourds ?

Notre position :

Les enfants Sourds ont le droit et ont besoin de recevoir un enseignement en langue des signes, qu’ils soient dans des écoles ordinaires ou dans des écoles provinciales pour les Sourds.

Le Canada a été un des premiers signataires de la Convention des Nations Unies sur la protection et la promotion des droits et de la dignité des handicapés. Cette convention des Nations Unies reconnaît aux personnes Sourdes le droit à l’égalité d’accès à l’éducation, et soutient leur droit à être instruits dans la langue des signes:

Article 24, Éducation :

(b) Faciliter l’apprentissage de la langue des signes et la promotion de l’identité linguistique des personnes sourdes ;
(c) Veiller à ce que les personnes aveugles, sourdes ou sourdes et aveugles – et en particulier les enfants – reçoivent un enseignement dispensé dans la langue et par le biais des modes et moyens de communication qui conviennent le mieux à chacun, et ce, dans des environnements qui optimisent le progrès scolaire et la sociabilisation.
Afin de faciliter l’exercice de ce droit, les États Parties (c.-à-d., les gouvernements) prennent des mesures appropriées pour employer des enseignants, y compris des enseignants handicapés, qui ont une qualification en langue des signes ou en braille et pour former les cadres et personnels éducatifs à tous les niveaux. Cette formation comprend la sensibilisation aux handicaps et l’utilisation des modes, moyens et formes de communication améliorée et alternative et des techniques et matériels pédagogiques adaptés aux personnes handicapées.

L’Association des Sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf croit que le premier besoin des enfants sourds est de maîtriser rapidement et sans peine une langue ; sur cette base, l’enfant aura les outils linguistiques pour apprendre une seconde langue, l’anglais ou le français, par exemple. La recherche démontre clairement que les élèves Sourds qui sont très habiles en ASL/LSQ obtiennent de bons résultats en apprentissage de l’anglais ou du français. Cela appuie le plaidoyer pour l’éducation bilingue : renforcer la première langue de l’élève qui lui est plus accessible, soutiendra son apprentissage de l’anglais ou du français.

Il n’y a aucune recherche digne de confiance pour appuyer les suppositions que le fait d’apprendre la langue des signes nuirait à l’acquisition d’une langue parlée et écrite. Au contraire, toutes les connaissances sur l’acquisition des langues appuient l’usage de la langue des signes comme première langue, même pour les bébés, même pour les enfants non-Sourds.

Le succès du mouvement pour les droits des personnes handicapées relativement à la fermeture des « instituts pour les handicapés » et à l’intégration des enfants handicapés dans les classes régulières a malheureusement conduit les éducateurs, les conseillers en matière de politiques du gouvernement et les professionnels de la santé à supposer que l’intégration est l’option à privilégier pour tous les handicaps. Dans le cas des enfants sourds, ce n’est pas vrai. Pour les enfants sourds, l’école ordinaire n’est souvent pas « le milieu le plus habilitant » ; au contraire, c’est souvent « le milieu le moins habilitant ».

Les enfants Sourds en classes régulières pourraient avoir beaucoup de mal à communiquer avec leurs enseignants, qui sont tous non-Sourds et qui, dans une classe de vingt ou trente élèves ayant des besoins et des compétences variés, ne peuvent pas donner l’attention particulière et les communications dont l’élève sourd a besoin.

Les services de soutien aux élèves sourds dans les écoles régulières sont très faibles :

On n’offre jamais de tutorat en ASL/LSQ, même pas lorsque les autorités concèdent que la langue des signes est la première langue d’un élève sourd donné. Les gouvernements et les commissions scolaires doivent appuyer l’acquisition de leur première langue aux enfants sourds (y compris ceux d’âge préscolaire) : ils n’apprennent pas les ASL/LSQ par magie. Comme pour toute langue maternelle, un enfant doit être constamment exposé à l’environnement de sa langue maternelle. Un enfant qui n’a pas ce genre d’exposition, risque de ne pas développer sa langue maternelle, ce qui conduit à des problèmes d’alphabétisation et des problèmes cognitifs à l’avenir.

Il est très rare qu’un élève sourd isolé ait accès aux services à plein temps d’un interprète ASL/LSQ de niveau 8. S’il y a des interprètes, ce sont des gens qui n’ont pas été agréés par les tests comme celui du Système d’évaluation du Canada. De plus, ils ne travaillent que dans la salle de classe, ce qui laisse l’enfant seul dans la cour de récréation et aux activités extrascolaires. En outre, des études prouvent que lorsqu’un interprète travaille seul en salle de classe, son travail est si truffé d’erreurs au bout d’une heure qu’il est inacceptable et même nuisible à l’éducation de l’enfant sourd.

En général, l’élève n’aura pas d’interprète, mais plutôt un assistant en éducation qui a des « notions » de la langue des signes. Dans ces cas-là, l’assistant doit être interprète, moniteur, et assistant à l’enseignant : une triple responsabilité qui est non seulement impossible, mais contraire à l’éthique.

Le rendement scolaire et l’acquisition du langage ne sont pas les seules raisons pour lesquelles l’ASC-CAD favorise les écoles pour les Sourds centralisées comme option valable pour l’éducation des enfants Sourds. Des considérations sociales, psychologiques et culturelles sont également importantes.

Nous sommes conscients que de nombreux parents non-Sourds d’enfants sourds craignent de « perdre » leur enfant à la communauté des Sourds. Ce sont des préoccupations normales pour des parents. Les professionnels et les décideurs ont tendance à attiser ces craintes et à suggérer des « solutions » fondées plus sur des raisons politiques et financières, ainsi que sur les pressions des intérêts de la technologie pour les sourds que sur les réels besoins et compétences de l’enfant sourd. L’Association des Sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf croit fermement qu’il faut fournir aux parents des renseignements complets, justes et équilibrés avant qu’ils ne prennent une décision au sujet de l’éducation. Cela veut dire leur faire rencontrer des professionnels Sourds, des leaders de la communauté des Sourds, des éducateurs Sourds et, bien sûr, les faire visiter des écoles pour les Sourds. Il faut aussi leur expliquer les bienfaits, les limites et les risques de chaque option éducative pour leur enfant sourd. Les parents ne devraient jamais subir des pressions pour décider, sans avoir l’occasion de rencontrer et de converser avec des personnes Sourdes. Après tout, qui est le plus à même de connaître les « avantages » et les « désavantages » des diverses approches éducatives que ceux qui les ont vécues et qui en vivent les résultats?

La question de la surdité n’est pas un enjeu dans une communauté comme une école provinciale pour les Sourds ; en d’autres termes, la surdité étant la norme, on la remarque rarement et l’on n’en fait pas une préoccupation ou un obstacle. Par conséquent, l’enfant a plus de chances d’apprendre dans une communauté saine où la communication et l’information sont fluides. La salle de classe est conçue pour les élèves Sourds. La présentation des cours magistraux, de la prise de notes et de l’information permet aux élèves de suivre activement le contenu académique, au lieu de devoir déchiffre un contenu qui n’est pas présente d’une manière où eux aussi, ils peuvent fonctionner sans effort et équitablement. Ils ont la possibilité de participer activement aux activités dans la salle de classe en signant leurs pensées, leurs questions et leurs réponses immédiatement dans une interaction directe entre eux-mêmes, leurs pairs et leurs enseignants sans avoir à passer par un interprète.

Par contre, l’enfant sourd dans une école régulière est généralement isolé : la recherche au Canada et aux États-Unis a révélé que la situation la plus commune d’un enfant sourd en classe régulière est qu’il est seul ou qu’il y a seulement un autre enfant sourd dans l’école. Cela affecte profondément ses rapports sociaux, ses aptitudes sociales et sa capacité à interagir avec les autres. Dans une école pour les Sourds, l’enfant sourd n’est pas isolé et il ne « se démarque » pas des autres en étant « différent ». L’enfant est parmi des pairs Sourds avec qui il partage une langue et une culture dans laquelle chaque personne peut participer également, confortablement et naturellement. La communication et l’interaction sans obstacle sont extrêmement importantes non seulement pour la réussite académique d’un élève Sourd mais également pour son estime de soi, pour sa perception de soi et pour son développement social.

L’enfant sourd dans une école ordinaire a peu ou pas de contact avec d’autres personnes Sourdes. Il n’y a presque pas d’enseignants, d’administrateurs ou autres employés Sourds dans les écoles ordinaires ; donc, il n’y a pas de modèle pour l’enfant sourd. La plupart des enseignants non-Sourds ne sont pas en mesure de répondre aux besoins éducatifs et socioculturels des enfants sourds. L’enfant sourd en milieu scolaire ordinaire n’est pas exposé à la culture Sourde, et naturellement, ne reçoit aucune leçon sur l’histoire de la surdité, ses langues, son art, ses comportements, ou ses valeurs. Essentiellement, l’enfant demeure « étranger dans un pays étranger ». Au contraire, dans une école pour les Sourds, l’enfant est exposé à de nombreuses autres personnes Sourdes et modèles Sourds, comme à la culture Sourde. Ici, il se trouve chez lui.

L’Association des Sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf appuie la philosophie de l’éducation bilingue et biculturelle. Cela signifie que les enfants sourds devraient apprendre en ASL/LSQ et en anglais/français. De plus, les enfants devraient être dans un milieu d’apprentissage qui reconnaît et respecte autant la culture Sourde que la culture dominante des entendants. Nous croyons qu’une telle approche constructive à l’éducation des Sourds fournirait à l’enfant sourd les outils nécessaires à l’acquisition de connaissances et de compétences, de même que l’estime de soi, et qu’en même temps elle le prépare à vivre dans la culture dominante des non-Sourds.

Lecture recommandée : « Mainstream teachers about including deaf or hard of hearing students », par Jorine A. Vermeulen, Eddie Denessen, and Harry Knoors. Teaching and Teacher Education, 2012, 28(2) p.174-181, http://resolver.scholarsportal.info.proxy.library.carleton.ca/resolve/0742051x/v28i0002/174_mtaidohohs.xml.

Lecture recommandée : The Politics of Language: Deafness, Language Choice, and Political Socialization, par James Roots. Carleton University Press, 1999

Lecture recommandée : Environmental Factors in the Education of Deaf Persons, par Shelly Carver, Elizabeth Doull, Denise Read, Jay Patel, and Valerie Bertin, Canadian Association of the Deaf, 1991

APPROUVÉ : 3 JUILLET 2015

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